dimanche 27 novembre 2011

Le Larzac, une histoire, un film et le mythe de José Bové


Ce n'est qu'un plateau isolé du sud du Massif central, dévoré par le soleil l'été, cinglé par le vent du nord l'hiver. Dispersées sur ce territoire ingrat, une centaine de familles. Des activistes ? Que non ! "Des agriculteurs très croyants et conservateurs, plutôt hostiles à l'égard de Mai 68", écrit Pierre-Marie Terral, historien et auteur de l'ouvrage de référence sur le sujet, Le Larzac, de la lutte paysanne à l'altermondialisme (Ed. Privat, mars 2011).

Comment ce petit groupe d'hommes, a priori peu disposés à la lutte contre l'Etat, a-t-il pu tenir tête aux pouvoirs publics pendant une décennie ? Le film de Christian Rouaud, Tous au Larzac, projeté en avant-première, vendredi 16 septembre, à Montpellier, retrace l'histoire de ces luttes fondatrices, qui continuent à structurer la mouvance écologiste. Ils ont été 350 à assister à la projection, à applaudir cette page de leur histoire, à tomber dans les bras les uns des autres aux côtés de José Bové, le plus connu des protagonistes de ce conflit qui dura dix ans.

M. Bové avait 20 ans quand Pierre Messmer, alors premier ministre de Georges Pompidou, annonça la réquisition de ces terres au profit de l'armée, qui souhaitait yagrandir un camp militaire. La suite, on la connaît. La lutte, et la victoire, quand François Mitterrand, qui s'y était pourtant fait agresser en 1973 par des militants radicaux, rendit leurs terres aux révoltés en 1981.

Vendredi, ils ont évoqué le passé et discuté engagement jusqu'au bout de la nuit."Le Larzac n'est pas mort !, assure M. Bové. De cette terre sont partis les rassemblements de 2001 pour le procès de Millau, qui ont rassemblé 100 000 personnes, et celui d'août 2003 contre l'OMC (Organisation mondiale du commerce), qui en a rassemblé trois fois plus. Et le combat contre l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes s'en est inspiré : la lutte a commencé en 1972."

Il est permis néanmoins de nuancer cette vision idyllique du mythe. Les historiens qui ont travaillé sur le Larzac, que ce soit Pierre-Marie Terral ou l'Américain Alexander Alland (Le Larzac et après, l'Harmattan, 1995), n'occultent pas les tensions intenses qui agitèrent cette communauté. "On est une famille, répond José Bové. On a tout surmonté. Mais la parole, la décision finale, sont toujours revenues aux paysans, non à ceux qui venaient d'organisations politiques, qui avaient toujours la science infuse et se sont éloignés." En fait, les paysans du plateau n'auraient sans doute pas pu l'emporter sans renforts extérieurs, essentiellement des groupes issus de la mouvance soixante-huitarde. Mais le choc des cultures fut vif, parfois violent. Il fallut l'existence d'un ennemi commun poursouder ces êtres si éloignés les uns des autres, et parfois un zeste de despotisme. Alexander Alland évoque des décisions prises "de manière plus ou moins secrète et nondémocratique". "La famille, c'est parfois un peu étouffant", admet José Bové. Et, comme dans toutes les familles, on aime y réécrire l'histoire.

1 commentaire:

  1. L´article est d´Anne-Sophie Mercier et a été publié dans Le Monde, ce n´est pas un travail très personnel Darío...

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